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La transmission des vertus.

Renaud de Beauminy, père de 6 enfants, est directeur d’agence bancaire et animateur de « l’Institut pour la Education dans la Famille » (IPEF) à Toulouse.

Cette conférence a eu lieu le 19 octobre 2010

L’enjeu de la réussite dans la transmission des vertus

Le sujet de cette conférence porte sur la manière dont les parents peuvent transmettre des vertus et des valeurs. Elles permettront à l’enfant de s’épanouir de manière progressive et équilibré et de répondre ainsi aux multiples exigences de la vie en société. L’exposé est structuré en deux parties, dans la première on précise la nature de ce que l’on doit transmettre et l’enjeu correspondant, dans la seconde on suggère des manières de procéder en fonction de l’âge et du tempérament.

Un rappel : Le rôle des parents est inaliénable, ce sont eux les premiers éducateurs, les éducateurs naturels. Mais on ne peut transmettre que ce que l’on a. De par leur valeur d’exemple, les parents doivent eux-mêmes s’efforcer à vivre ce qu’ils enseignent.

L’enjeu véritable de la transmission des vertus, c’est la stabilité de la société, à travers la stabilité de l’enfant devenu adulte. Etre stable ne se décrète pas. L’enfant va se structurer progressivement tout au long de son enfance et de son adolescence. La stabilité va contribuer au bonheur de l’enfant. Un enfant qui grandit dans un contexte familial stable est incontestablement avantagé par rapport à un enfant qui vit dans un milieu familial sous tension permanente ou avec des discordes à répétition. L’harmonie entre les parents et la cohérence de leur projet éducatif sont des conditions de base, cela va sans le dire.

Mais, qu’entendons-nous par vertu ?

Le mot vertu vient du latin virtus, force morale, courâge. La vertu améliore la capacité d’agir. C’est une force qui aide à grandir en liberté et en autonomie. La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le bien

- disposition habituelle, c’est-à-dire qui opère à la manière d’un réflexe résultant d’un entraînement, c’est-à-dire de la répétition des actes bons.

- disposition ferme, c’est-à-dire qui met en jeu une décision stable de la volonté et non le seul sentiment.

Les vertus configurent le caractère. Il convient de bien distinguer le caractère du tempérament. Ce dernier est donné par la nature ; nous avons peu de prise sur lui (tempérament flegmatique, tempérament sanguin p.ex.). En revanche, le caractère ne nous est pas imposé par la nature, nous pouvons agir sur lui moyennant la répétition d’actes qui nous permettront d’acquérir une vertu. La comparaison avec les effets de l’entraînement sportif est classique. Le tempérament propre à chaque enfant rendra plus aisé, ou plus difficile, l’acquisition des différentes vertus (courâge, ordre, sincérité, etc.). Pour un même objectif à atteindre les exigences devront être modulées en fonction du tempérament de l’enfant.

Combien de vertus ? Lesquelles ?

On distingue les vertus théologales (qui ont Dieu pour origine et pour fin) et les vertus morales (appelées aussi vertus humaines), notamment les quatre vertus cardinales (du latin, cardo, « gond » autour desquelles tournent les autres vertus). Elles se réfèrent à l’homme : force, tempérance, justice, prudence. Cet exposé porte sur ces dernières car elles intègrent et impliquent toutes les autres vertus humaines.

Selon St Augustin, la prudence est « l’amour faisant un choix judicieux entre ce qui peut être utile et ce qui peut être nuisible. » ; la force est « l’amour supportant tous les maux à cause de l’objet aimé » ; la tempérance est « l’amour se donnant tout entier à l’être aimé » et enfin la justice est « l’amour soumis au seul objet aimé ». Toutes les autres vertus dépendent d’une de ces quatre vertus cardinales. St Augustin met en relief le socle commun à toutes ces vertus qui est l’amour qui implique l’exigence et sans lequel la vraie éducation est impossible.

Comment transmettre les vertus ?

Pour bien transmettre les vertus aux enfants, il est nécessaire que cette transmission ait lieu dans un climat d’amour et de confiance. Ross Campbell, un auteur américain, parle de l’« amour inconditionnel » à propos de l’amour des parents envers les enfants. C’est-à-dire que l’amour d’un père ou d’une mère ne doit être conditionné par rien, ni les qualités physiques d’un enfant, ni les bonnes notes à l’école, ni le bon comportement. Rien ne doit conditionner cet amour. Ainsi, l’enfant saura que l’amour de ses parents ne dépend pas de la réussite dans l’effort que suppose l’apprentissâge d’une vertu, qu’il ne sera pas jugé sur sa réussite. L’amour sera au contraire le climat idéal d’un tel apprentissâge, qui suppose toujours un effort et des échecs passâgers.

Reste que transmettre les valeurs suppose certaines « clefs » que, comme M. Jourdain et sa prose, nous connaissons sans le savoir. En conséquence, il ne faut pas « stresser », mais rester ouvert aux besoins des enfants, besoins forcément variables selon l’âge et le contexte familial, scolaire ou social. Rester ouvert signifie rester disponible et, au foyer, mettre en sourdine les exigences professionnelles, les envies personnelles, etc. En effet, l’observation de l’enfant et l’écoute demeurent des attitudes permanentes, indispensables pour pouvoir intervenir opportunément…

Se fixer des objectifs prioritaires à atteindre à court et à long terme, est une pratique commune dans toute entreprise. Elle est aussi applicable à l’éducation de chaque enfant et se traduira par des exigences et des apprentissâges qui dépendront de son âge et de son tempérament, donc de ses capacités. En fait cela implique le développement « prioritaire » de certaines vertus en fonction de l’âge, les unes s’appuyant sur les acquis des autres. Le tableau suivant récapitule ne serait-ce que sommairement, des objectifs à adopter en fonction de l’âge…

Âge

0-3

3-7

7-12

12-15

15+

Vertu « prioritaire »

Confiance (Amour)

Sincérité (Prudence)

Persévérance (Force)

Pudeur (Tempérance)

Loyauté (Justice)

Objectif d’apprentissâge

Découverte de soi et de l’autre

Sens du réel

Sens de l’effort

Respect de soi et des autres

Volonté du vrai

Capacité dominante

Sensation

Imagination

Mémoire

Sentiment

Idée

Type d’autorité

Physique

Physique

Prestige

Conseil

Conseil

L’autorité, étayée par l’exemple et par l’affection, est le véhicule habituel des exigences liées à l’accomplissement de ces objectifs. Cette autorité, va s’exercer très différemment selon l’âge et d’après le contexte ; Elle peut être directive (par un conseil, une indication, un geste, une demande ou une injonction) ou non directive par un « règlement négocié ».

La manière d’échanger avec l’enfant varie avec l’âge, très physique pour l’enfant en bas âge (par le toucher, le son, le goût, le regard,…), les sens s’éveillent et la confiance vis-à-vis de parents prend corps. Avec l’âge ce contacte devient de plus en plus verbal et visuel. Le regard et les mots des parents aident l’enfant à acquérir la confiance en soi. Déjà à cet âge les enfants sont sensibles à la bonne entente et stabilité d’humeur entre leurs parents. Lorsque l’imagination se développe (c’est l’âge de Zorro, des fées, de Batman, des princesses…) il importe de faire prendre conscience du réel par rapport à l’imaginaire. De faire prendre conscience des dangers réels et des conséquences de ses actes (l’enfant qui veut toucher la flamme…). Plus tard (vers 7 ans), la curiosité s’aiguise, c’est le moment des « pourquoi ? ». Le désir d’apprendre est grand, la mémoire se structure, c’est alors qu’il faut favoriser le goût de l’effort, faire découvrir la récompense qu’il y a au bout de la persévérance. Nous savons que la pratique du sport, des activités de groupe ce sont des bons moyens pour faire grandir l’enfant dans les vertus ; encore il faut accompagner cette démarche par un dialogue permanent avec l’enfant. L’observation et l’écoute sont toujours de mise. A cet âge le prestige des parents est immense, d’où le très grand rôle de leur conduite cohérente et exemplaire.

Avec les prémices de la puberté le rapport avec les parents subit très fréquemment un profond changement. Leurs héros, leurs modèles, sont recherchés en dehors du groupe familial. Le sentiment prend une énorme importance (j’aime, je n’aime pas) et les relations de groupe (amis, amies) sont souvent décisifs. D’où le besoin d’avoir préparé les futurs adolescents bien avant, avec des critères clairs à faire des choix pertinents. A bien réagir face à l’échec ou au succès. L’autorité ne peut plus être de coercition, et celle de prestige n’a souvent plus de cours, l’autorité de conseil doit se bâtir une fois de plus autour de l’écoute et de l’observation. La disponibilité devient un enjeu majeur. L’adolescent est souvent instable, hésitant, et il n’est prêt à faire une confidence, à poser une question qu’à un moment incongru ou inopportun. Il a ses temps qui ne coïncident pas avec ceux de parents. L’« écoute exclusive », c’est-à-dire, savoir écouter à 100%, hors de tout autre occupation mentale ou physique, essayer de saisir ce qui est mal dit, ou seulement insinué, l’équanimité ce sont des atouts essentiels auxquels il faut s’être préparé. C’est le moment aussi de faire découvrir le respect de soi, de son corps et le respect des autres. En un mot de vivre la vertu de tempérance. Cela signifie aussi savoir maîtriser les moments d’humeur, qu’il s’agisse d’un dégoût, d’une aversion ou d’un enthousiasme irraisonné. Ils peuvent acquérir ainsi la maîtrise de leurs émotions.

La puberté surmontée le jeune sera plus particulièrement sensible aux idées et aux idéaux. C’est le moment de l’accompagner par le discours raisonné, pour qu’il découvre ses motivations et fasse des choix raisonnés. Qui veuille le vrai et développe la générosité, qu’il apprenne à tenir ses engagements, en un mot encore, qu’il mette en pratique la vertu de la justice.

Je soulignerai enfin le rôle tout particulier que les grands parents peuvent jouer à tous les stades de l’éducation. Par leur disponibilité, leur recul et leur expérience peuvent et doivent accompagner voire compléter ce processus de transmission, notamment en faisant découvrir aux enfants la beauté de la nature ou d’un art, en leur transmettant une certaine sérénité, par un rythme de vie différent, qui laisse davantage de place à l’étonnement. Tout en ayant bien présent que les parents demeurent les premiers éducateurs.

L’étendue du sujet et la brièveté du temps m’obligent à conclure, laissant pour d’autres moments le développement plus en détail des nombreux points évoqués aujourd’hui. Je terminerai cette intervention par ce rappel de St Josémaria : « Pères, vos enfants sont la plus importante de vos affaires que vous ayez entre les mains. Ils sont plus importants que les affaires, ils sont plus importants que le repos ». Tachons d’œuvrer en conséquence.